Le romantisme : la poésie

La poésie n'est plus seulement un art, elle devient aussi un moyen de connaissance. Pour Victor Hugo, le poète romantique doit être un mage (d'où la représentation de roite), un voyant, qui doit guider le peuple et remplir une mission à la fois politique, religieuse et poétique. Lamartine, Hugo et Nerval orientent la poésie vers la voie de la modernité, et lui donnent pour mission ambitieuse celle de la "totalité": "tout est sujet, tout relève de l'art, tout a droit de cité en poésie"(préface des Orientales).

L'acte de naissance du lyrisme romantique est en général daté de 1820, lorsque paraissent les Méditations poétiques de Lamartine. Le lyrisme évoque une manière bien particulière de s'exprimer, une manière passionnée et poétique, de vivre. Les Médiations poétiques sont un recueil de vingt-quatre poèmes qui constitua une véritable révolution poétique, exprimant avec force les tourments de l'amour et de l'âme. C'est dans la nature et la poésie que l'âme blessée trouve un réconfort et l'espoir d'une éternité. Lamartine concentre la sensibilité de toute une époque et notamment celle de l'insatisfaction du moi face au monde: son exaltation ne trouve aucun objet à la mesure de sa soif d'absolu, de rêve, de départ. Le poète adopte le ton élégiaque et trouve dans la nature le rêve et des moyens de s'évader que la société ne lui permet pas. Ainsi peut-on lire dans " L’Automne " :

" Terre, soleil, vallons, belle et douce nature,

Je vous dois une larme aux bords de mon tombeau !

L’air est si parfumé ! La Lumière est si pure !

Aux regards d’un mourant le soleil est si beau ! " (v.17-20)

La poésie adopte le lyrisme: le poète dit "je" et cet usage de la première personne est pour lui l'indice de son originalité poétique. Le Moi est à la fois le sujet et l'objet du poème: ce dernier se penche sur la sensibilité exacerbée d'une personne, dans toute sa plus profonde intimité et c'est par cette personne qu'est écrit le poème.

"Je n'imitais plus personne, je m'exprimais moi-même pour moi-même. Ce n'étais pas un art, c'était un soulagement de mon propre cœur qui se berçait de ses propres sanglots." (Lamartine, à propos de ses Méditations)

Dans Les Nuits d'Alfred de Musset, (1835-37), il s’agit d’une chronique sentimentale qui s’étend sur trois ans. Elle est constituée de quatre poèmes : Nuit de mai, composé au plus fort de la crise avec sa maîtresse George Sand ; Nuit de décembre, qui évoque la solitude de l’amant ; Nuit d’août, qui a pour thème le sacrifice et la souffrance et enfin Nuit d’octobre, qui s’oriente vers la souffrance salvatrice et inspiratrice, qui semble annoncer la promesse d’une renaissance amoureuse et spirituelle. En une année de poèmes, l'auteur ressent une multitude de sensations fondées sur le tourment de l'âme jouée par les caprices de l'amour d'un couple. Le lien est très étroit entre le mot, la pensée et les sentiments si bien que Musset écrit :

"Ce qu'il faut à l'artiste et au poète, c'est l'émotion. Quand j'éprouve, en faisant un vers, un certain battement du cœur que je connais, je suis sûr que mon vers est de la meilleure qualité que je puisse pondre"

Vigny, quant à lui, dans ses Poèmes antiques et modernes (1826-1837), ou Les Destinées (1864, posthume) met en scène les sentiments, par l’intermédiaire de personnages célèbres, par exemple de Moïse, s’adressant au Seigneur :

"Je vivrai donc toujours puissant et solitaire ?
Laissez-moi m’endormir du sommeil de la terre !
Que vous ai-je donc fait pour être votre élu ? " (v.5-7)

Hugo, grâce à son œuvre magistrale, concentre les idéaux romantiques. Dans la préface des Orientales (1829), il définit la mission exploratrice et exhaustive du poète : " Tout est sujet, tout relève de l’art ; tout a droit de cité en poésie. ". Il revendique donc plus que les autres une exigence de totalité ; d’ailleurs au sein d’un même recueil, se trouvent fréquemment des inspirations différentes mais complémentaires. Par exemple, au milieu des pièces lyriques comme Les Rayons et les Ombres, on trouve un appel à l’engagement politique, mais on peut aussi avoir à faire à la veine satirique, comme dans Les Châtiments ou la veine élégiaque dans Les Contemplations. C'est dire si l'œuvre de Hugo est vaste, et elle peut permettre à elle seule d'illustrer l'inspiration de la première moitié du XIXe siècle. Le poète écrira d'ailleurs: " Le domaine de la poésie est illimité. Sous le monde réel, il existe un monde idéal qui se montre resplendissant à l'œil de ceux que des méditations graves ont accoutumés à voir dans les choses plus que les choses…" En fait, pour lui, les choses même possèdent une âme et c'est grâce à la forme poétique qu'elles se dotent d'une vie. Ce qui peut donc le mieux caractériser Hugo, c'est son intuition poétique qui s'applique à tout être. Son œuvre immense ne saurait être résumée ici, tant elle est totale: il aborda tous les genres, avec des inspirations extrêmement variées, tout en s'engageant politiquement tout au long de sa vie. Cet homme-siècle connu le succès de son vivant et fut conscient de sa grandeur et de son génie. Il caractérise le Romantisme et sa production peut permettre d'aborder le mieux toute l'ampleur de ce mouvement et de cette mentalité nouvelle.