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Le château à motte

La puissance des grands seigneurs, générateurs du système féodal, se confirme aux IX-Xe siècles. Les combats fréquents entre ces seigneurs locaux les motivent à se protéger davantage mais c’est la présence constante d’une menace réelle qui va amplifier les constructions militaires : les invasions. Les Sarrasins déferlent en effet dans le sud de la France après avoir conquis l’Espagne à partir de 711. Chacun connaît la fameuse date de 732 quand Charles Martel stoppa l’invasion musulmane à Poitiers. Au siècle suivant, les Normands apparaissent sur les côtes dès la fin du règne de Charlemagne, autour de 800. Le relais passe ensuite aux Hongrois attirés eux aussi par les richesses de l’Europe occidentale. Si bien que pendant près de 250 années, la France est régulièrement menacée par les invasions de peuples extérieurs.

C’est à la fin de ces invasions qu’apparaît le premier stade du château médiéval : le château à motte. L’archéologie nous a montré qu’il apparut dès la fin du Xe siècle, alors qu’il n’est mentionné dans les sources historiques qu’au siècle suivant (voir à ce sujet la tapisserie de Bayeux tissée et datée de 1077 quand ce type de château apparaît). Cette construction, pourtant encore assez fragile dans sa conception va perdurer jusqu’au XIIe siècle pour les seigneurs les moins riches. 

Sa configuration architecturale est simple et les fortifications militaires sont qualitativement en retrait par rapport à ce que l’on a pu connaître avec l’Antiquité. Les principales défenses sont réduites à une palissade de bois déterminant la superficie du site à protéger. Celui-ci abritait la basse-cour, un espace composé de divers bâtiments agricoles et domestiques parmi lesquelles pouvait se trouver l’habitat du seigneur.

Au centre de cet espace, une légère butte de terre souvent circulaire est construite avec le remblai du fossé creusé autour d’elle. Le sommet de la motte de terre était couronnée par une construction de bois dont l’importance variait selon la superficie disponible. En cas de petite motte, il ne s’agissait que d’une petite tour servant de poste d’observation ou d’ultime refuge en cas de chute de la palissade périphérique, mais quand la base de la motte offrait un espace suffisant, le seigneur y faisait construite son lieu d’habitation, ce qui préfigure les donjons des châteaux ultérieurs. L’accès à la motte se faisait par un pont dit dormant (immobile) que l’on pouvait si besoin briser du haut de la motte.

A sa base, une seconde palissade de bois marque une ultime défense. Cette configuration de base pouvait arrêter un groupe de petits brigands en quête de richesses mais elle restait vulnérable face à l’attaque d’une armée. Autre élément démontrant l’irrationalité militaire de ce type d’édifice, les archéologues ont fouillé des châteaux à motte construits sur flanc de montagne et non au sommet, ce qui, sur le plan militaire est une erreur fatale car les assaillants n’ont qu’à se positionner au sommet de la hauteur pour "commander " le site attaqué et prendre l’avantage.

Cette architecture périssable était alors peu adaptée à la défense militaire et son efficacité réduite laisse à penser qu’elle pouvait servir à d’autres fonctions. Les hommes pouvaient d’ailleurs utiliser également comme enclos à bestiaux. Mais l’autre utilité fondamentale de cette frêle construction, vulnérable au feu, s’explique sociologiquement. Phénomène d’une mode, le seigneur bâtissant son château à motte pouvait, par cette démonstration architecturale simple, offrir la protection nécessaire et souligner son pouvoir auprès de ses concurrents comme auprès du peuple qui voyait alors en lui la protection souvent nécessaire en ces temps d’instabilité. Le château à motte est plus que le représentant de l’architecture militaire du haut Moyen âge, il est également un élément d ’étude sociologique sur la mentalité d’une élite sociale. Sur un plan purement archéologique, peu reste aujourd’hui de ce type de construction si ce n’est la motte en elle même qui perdure, qu’elle soit couronnée de végétation ou comme ici plus nettement visible à Sées dans l’Orne. Mais il existe des leurres comme à Montlhéry (région parisienne) où la motte n’était qu’un moyen de surélever une tour de Chappe (premier moyen de communication à distance sans déplacement humain au XIXe siècle).